Absence de cafétéria, toilettes converties en bureaux, manque de sorties d’urgence. Les besoins sont criants quand on discute avec ceux qui gravitent autour du Centre scolaire Samuel-de-Champlain.
Le manque d’espace
« Mes filles ne vivent pas un processus social normal d’adolescentes à Samuel-de-Champlain ! » Ce cri du cœur, c’est Alain Fournier qui le lance. Père de deux jeunes filles qui sont respectivement en 10e et 12 années, sa plus jeune perdra deux de ses meilleures amies à la prochaine rentrée. Pourquoi ? « Parce que leurs parents les changent d’école », estimant que les lieux physiques ne sont pas une garantie de réussite. Elles vont aller du côté anglophone. Le manque d’espace est à ce point critique à Samuel-de-Champlain. Au fil du temps, des roulottes sont venues compléter tant bien que mal les murs de cette école inaugurée en 1984. Mais c’est loin d’être l’idéal. Les élèves mangent dans les classes, faute de cafétéria. Les endroits sont restreints pour se détendre. Les élèves manquent de toilettes. Bref, dans de telles circonstances, garder des élèves dans le milieu francophone devient de plus en plus compliqué.
Alain Fournier est aussi le vice-président de l’Association Régionale de la Communauté francophone (ARCf) de Saint-Jean. « On ne peut pas prendre ça à la légère », en parlant de l’exiguïté des lieux au Centre scolaire francophone. Étudier dans de telles conditions entraîne évidemment des répercussions. Non seulement au plan scolaire, mais également pour l’aspect social. « Notre fille, nous a même demandé de changer de ville ! », ajoute M. Fournier.

Les défis rencontrés
« Le défi qu’on a, c’est la compétition avec cinq high-schools », précise Michel Côté, le directeur de l’ARCf. Même si certains travaux sont en cours comme la rénovation des toilettes au deuxième étage et le plancher du gymnase, qui devrait être terminé pour la prochaine rentrée, en n’ajoutant pas de nouveaux espaces, difficile de garder les élèves actuels. « On ne va même pas chercher la moitié des ayant droits », ajoute M. Côté. L’école compte actuellement 950 élèves. « Si on était mieux organisé, on irait chercher le double d’élèves », assure-t-il. Il s’inquiète également que ces problèmes affectent le volet communautaire de Samuel-de-Champlain. « On aimerait bien avoir une salle pour les aînés qui serait au rez-de-chaussée et une porte pour la bibliothèque donnant vers l’extérieur. » Tout cela, ce sont évidemment des frais. « Une annonce pour débuter les travaux dès maintenant » réjouirait assurément le directeur général.
La ministre est au courant
N’ayant pas peur de revendiquer comme il le dit lui-même, Alain Fournier est allé frapper à la porte de la ministre de l’Éducation et du Développement de la petite enfance, Claire Johnson. Dans une lettre qu’il lui a adressé en février 2025 et co-signé avec un autre parent, M. Justin Tucker, et dont Le Saint-Jeannois a obtenu copie, M. Fournier explique à la ministre que Samuel-de-Champlain a perdu au cours des dix dernières années 334 élèves. Selon lui, s’il n’y avait eu tous ces non-inscrits et ceux qui ont quitté l’établissement pour aller du côté anglophone, « nous pourrions compter plusieurs milliers d’étudiants supplémentaires qui auraient fréquenté notre école et obtenu leur diplôme. » De plus, les cosignataires énumèrent dans la lettre plus d’une dizaine de points servant à l’amélioration de Samuel-de-Champlain afin d’en finir avec les pupitres et les armoires dans les corridors pour compenser le manque d’espace.
Contrairement à l’ancien ministre conservateur qui n’avait pas daigné répondre, selon M. Fournier, à deux de ses missives, la ministre Johnson a fait savoir au vice-président de l’ARCf que « le projet de rénovation et d’agrandissement du Centre scolaire Samuel-de-Champlain (CSSC) a été placé sur la liste de priorité des projets d’immobilisation (SPIM) du ministère de l’Éducation et du Développement de la petite enfance (MEDPE) durant l’exercice financier 2024-2025. » Reconnaissant « que ce projet est important pour la population francophone de la grande région de Saint-Jean », celui-ci figure « au neuvième rang des projets en attente de financement », précise la ministre, qui s’est également déplacée à l’école pour faire un constat des lieux.
9ème Position
Mais cette 9e position permet-elle aux francophones d’espérer un agrandissement de l’établissement scolaire d’ici la fin de cette décennie ? Pas sûr. « L’état actuel de l’école, les besoins en matière de mise à niveau, la croissance des inscriptions et l’espace d’enseignement insuffisant contribuent tous au classement actuel de ce projet », élabore Sean McConnell, agent de communication au MEDPE. Par contre, selon lui, « il n’est pas toujours possible de prédire une année avec précision. »
Michel Côté, lui, y va d’une prédiction. À supposons qu’en 2027, les crédits soient enfin votés et qu’on parle officiellement d’un projet d’agrandissement, « si tout va bien, en 2032, on pourrait avoir une nouvelle école. » D’ici là, la langue d’Antonine Maillet risque d’en pâtir.