Petits et grands réacteurs nucléaires, quelles différences?

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Jonathan Poirier

Éditeur/Rédacteur en chef
jonathan.poirier@arcf.ca

Depuis la dernière campagne électorale provinciale, on entend souvent parler de petits réacteurs nucléaires (PRN) et d’investissements du gouvernement pour les développer. À Saint-Jean, deux entreprises travaillent sur le développement de cette technologie. Mais en quoi ces PRN sont-ils différents des centrales nucléaires conventionnelles?

Tout d’abord, la première distinction entre ces deux technologies se situe dans leur mise en application. Les réacteurs conventionnels tels que celui de la centrale nucléaire de Point Lepreau existent depuis des décennies tandis que les PRN n’en sont qu’au stade théorique. Les premiers exemplaires de ces petits réacteurs devraient être construits, testés et fonctionnels d’ici une dizaine d’années.

Visite au cœur du sujet

Jonathan Poirier lors de sa visite de la centrale de Point Lepreau. Crédit: Gracieuseté.

Afin de bien comprendre le fonctionnement d’une centrale nucléaire conventionnelle, un membre de l’équipe du Saint-Jeannois a été autorisé à visiter la centrale de Point Lepreau. Premier constat: tout est contrôlé et aucun détail n’est négligé. Des gardes armés, dont plusieurs sont d’anciens membres des Forces armées canadiennes, sont présents à chaque point de contrôle. Selon la guide de la visite, les événements du 11 septembre 2001 ont fait augmenter drastiquement les mesures de sécurité dans la centrale.

Les 800 employés sur place doivent suivre des protocoles très stricts et faire de la formation continue sur une base régulière. Lors de la visite, trois employés étaient en train de faire un travail de maintenance: un lisait les instructions, un autre faisait les manipulations et le troisième s’assurait que tout était respecté à la lettre. Chaque instruction était cochée de sorte que si une personne doit prendre la relève, elle sait exactement où continuer. Il y a aussi une réplique de la salle de contrôle pour que les employés participent constamment à des exercices de simulation. Chaque superviseur en chef doit aller en formation aux six semaines et sa licence peut être révoquée à tout moment par les autorités en cas de risque.

Dominique Couture, spécialiste des communications pour Énergie NB, affirme que «la capacité de production nette de la centrale de Point Lepreau est de 660 mégawatts (MW). Énergie NB assure un approvisionnement en énergie provenant de nombreuses sources à plus de 400 000 clients directs et indirects». Pour produire cette énergie, le réacteur consomme des grappes de granules d’uranium qui ont une durée de vie variant entre six mois à un an. Selon l’Association nucléaire canadienne (ANC), une granule de 20 grammes d’uranium produit la même quantité d’énergie que 400 kilogrammes de charbon, 410 litres de pétrole ou 350 mètres cubes de gaz naturel. En matière d’émission de dioxyde de carbone, le nucléaire serait au même niveau que l’hydroélectricité.

Depuis l’entrée en fonction de la centrale de Point Lepreau en 1983, seulement un quart de l’espace réservé aux déchets radioactifs a été utilisé. Actuellement, ceux-ci n’ont aucune utilité à moins qu’une technologie capable de les recycler soit développée.

Petits réacteurs, grandes ambitions

La centrale de Point Lepreau vue de haut. Crédit: Énergie NB.

Même s’ils ne sont qu’en phase de développement, les PRN visent à construire une source d’énergie nucléaire avec des risques réduits. Selon Erin Polka, vice-présidente des Communications chez Moltex, les premiers réacteurs traditionnels ne coûtaient pas très cher à construire jusqu’à la découverte de leurs problèmes demandant l’ajout de niveaux de protection. Ces améliorations auraient augmenté les coûts de production de l’énergie et nuisent à la compétitivité du secteur. Elle ajoute que le but des PRN est d’éliminer les risques à la création tout en bâtissant des modèles simples et faciles à entretenir.

Niveau taille, les petits réacteurs nucléaires auraient environ 1/20 de la grandeur d’un réacteur CANDU comme Point Lepreau. Ceux-ci seraient d’ailleurs situés proche de cette centrale pour bénéficier de l’expertise et du soutien de ses employés déjà expérimentés. Pour Moltex, dont le but est de créer un réacteur alimenté avec les déchets nucléaires plutôt que de l’uranium, avoir un accès facile et sécuritaire aux déchets du réacteur de Point Lepreau est un incontournable. Pour ce qui est d’ARC, cette entreprise mise plutôt sur la création d’un réacteur avec un cycle de vie de 60 ans utilisant le même carburant durant 20 années pour réduire la production de déchets radioactifs.

En matière de puissance, les PRN se distinguent des centrales traditionnelles en raison de leur intégration aux sources d’énergie renouvelable. Tandis que Point Lepreau fournit une puissance constante en énergie au réseau, les petits réacteurs sont développés pour compenser l’éolien et le solaire lorsqu’ils ne produisent pas assez d’énergie. Actuellement, ce sont les centrales au gaz qui compensent ces manques de production. Le réacteur de Moltex prévoit générer 300 MW tandis que ARC vise une puissance de 100 MW.

Selon madame Polka, le développement de cette industrie aurait de grandes retombées économiques pour la région de Saint-Jean:

«Une étude a démontré qu’entre 2020 et 2035, les deux réacteurs (Moltex et ARC) créeraient 730 emplois, environ 1 milliard de dollars de PIB et 120 millions de dollars de recettes fiscales. Les revenus seraient plus élevés en cas de succès. C’est important au fil du temps, puisque ce sont des réacteurs d’une durée de vie de 60 ans».

L’entrevue avec Erin Polka a été réalisée en anglais et les réponses ont été traduites.

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