Les cibles d’immigration francophones sont établies à 1 % de la population canadienne pour les deux prochaines années. Le ministre l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté, Sean Fraser, en a fait l’annonce le 14 février. Cependant, le pays peine à atteindre les niveaux ciblés déjà établis en immigration francophone.
Le Canada accueillera 431 645 nouveaux résidents permanents en 2022, 447 055 en 2023 et 451 000 en 2024.
Cette annonce était l’occasion de revenir sur les niveaux d’immigration francophone hors Québec avec le ministre Fraser, qui a tenu à répondre en français aux questions de Francopresse, après avoir fait l’objet de critiques pour avoir tenu une conférence de presse uniquement en anglais.
«Je travaille fort sur mon français, mais je ne suis pas parfaitement bilingue. […] C’est ma première entrevue en français, mais ce n’est pas la dernière», a-t-il promis.
Réalités de l’immigration francophone en 2021
En 2021, l’immigration francophone hors Québec représentait 1,95 %, un taux bien en deçà des 4,4 % prévus depuis 2003.
L’Ontario, la province la plus populeuse où s’installent le plus de francophones à l’extérieur du Québec fait état de 1,97 %, au lieu des 5 % fixés par le gouvernement provincial en 2012.
La seule province officiellement bilingue, le Nouveau-Brunswick, atteint un taux de 14,84 % au lieu des 33 % prévus par la province.
Le ministre admet qu’il y a des lacunes:
«Ces 50 dernières années, il y a eu une réduction du poids démographique des francophones. Ce n’est pas acceptable et c’est pour cela qu’il faut continuer de développer notre Stratégie en matière d’immigration francophone. C’est aussi la raison pour laquelle il faut changer la Loi sur les langues officielles, afin de permettre un meilleur accueil des nouveaux arrivants francophones.»
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«À quel niveau on se dit qu’il faut apporter des correctifs?»
Pour Paulin Mulatris, vice-recteur de l’Université de l’Ontario français (UOF), les nouvelles cibles d’immigration relèvent d’une «très bonne intention. Mais la cible [de 4,4 % de nouveaux arrivants francophones] n’a jamais été atteinte depuis qu’elle a été fixée. À quel niveau on se dit qu’on n’a pas atteint les cibles et qu’il faut apporter des correctifs?»
Pour lui, la grande question reste à savoir si le Canada a la capacité d’atteindre cette cible.
«On ne l’atteint pas, car je pense que la volonté n’existe pas pour aller recruter, vu que le plus gros bassin est en Afrique», déplore-t-il.
Plus d’efforts réclamés pour les étudiants internationaux francophones
Devant le Comité permanent de la citoyenneté et de l’immigration de la Chambre des communes qui se penchait récemment sur le recrutement et les taux d’acceptation des étudiants étrangers, l’UOF a déclaré avoir eu un taux de refus de permis d’études qui a varié entre 65 et 70 % dans la dernière année.
Dans la grande majorité des cas, le permis a été refusé parce qu’IRCC n’est «pas convaincu que l’étudiant retourne[ra] dans son pays à la fin de ses études».
«Nous devons régler ce problème, déclare Sean Fraser. Ma lettre de mandat me demande d’établir un chemin vers la résidence permanente pour les étudiants internationaux. Nous commençons ce travail maintenant. J’aimerais voir si nous pouvons créer une voie plus ferme qui leur permettra de rester après leur arrivée.»
Dans cette optique, le ministre a expliqué que le Volet direct pour les études (VDE) permet notamment d’augmenter le taux d’acceptation de candidats francophones en provenance du Maroc et du Sénégal, les deux pays francophones visés par ce programme.
Discrimination envers les pays africains
Pour Paulin Mulatris, il y a un «problème de fond. L’Afrique représente le plus grand bassin de francophones, et on la traite comme si c’était un pays. C’est un vaste continent. Isoler deux pays comme ça, en quoi est-ce représentatif?»
Le vice-recteur de l’UOF assure que cette façon de faire cause de la discrimination, tant que les critères de sélection et d’exclusion employés par IRCC par rapport aux autres pays ne sont pas connus.
«Le Canada peut aussi se donner les moyens d’examiner les dossiers venant de différents pays [africains]. Mais le point de chute de traitement des dossiers est problématique.»
Il n’y a qu’un seul centre de réception des demandes de visas du Canada, à Dakar, pour une dizaine de pays africains.
«On ne réalise pas ici qu’on crée des inégalités dans d’autres pays. Et je ne pense pas que ce soit l’intention du Canada d’arriver à ce niveau-là», continue Paulin Mulatris.
Il ajoute que l’utilisation du logiciel Chinook pour traiter l’aspect humain des demandes de permis d’études mène aussi à de la discrimination.
«J’ai vu une lettre de refus envoyée à un candidat étudiant de l’UOF et sur trois des quatre questions posées, c’était la même phrase qui revenait de façon automatique. C’est incohérent», fustige-t-il.
Des pistes de solution
Sean Fraser a exprimé son souhait d’étendre le VDE à d’autres parties du monde.
«Nous devons nous attendre à voir des succès similaires. [Le VDE] sera l’un des outils pour augmenter le nombre d’étudiants internationaux qui s’installent au Canada, en particulier les francophones. Je ne veux pas suggérer que le Volet direct pour les études serait le seul outil. Il y a d’autres programmes accessibles pour les étudiants qui sont admis qui pourraient leur permettre de rester [au Canada].»
Celui-ci cite notamment le Programme des travailleurs qualifiés, l’Expérience canadienne ou encore le Programme d’immigration au Canada atlantique.
«Il y a des outils dont nous disposons maintenant et d’autres, nouveaux, que nous devons étudier. Mais avant de vous dire lesquels nous considérons, je dois rencontrer les communautés francophones, car les réponses, selon moi, se trouvent au sein des communautés concernées, pas dans les mains de politiciens qui s’assoient derrière des portes closes à Ottawa», a indiqué le ministre.
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