Le spectre grandissant du taux d’inflation

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Marc Poirier

Journaliste de Francopresse
redaction@francopresse.ca

L’importante augmentation du taux d’inflation enregistrée au Canada en janvier vient d’avoir ses premiers effets concrets. Sans surprise, le 2 mars, la Banque du Canada a relevé son taux directeur pour la première fois depuis le 27 mars 2020, le faisant passer de 0,25 % à 0,50%.

Ce sont évidemment les poussées inflationnistes qui ont amené la banque centrale du pays à augmenter son taux pour la première fois depuis octobre 2018. En janvier dernier, Statistique Canada rapportait que l’indice des prix à la consommation (IPC), sur lequel repose le calcul de l’inflation, avait augmenté de 5,1 % entre janvier 2021 et janvier 2022.

Il s’agit du taux d’inflation le plus élevé depuis 1991, où il se fixait à 5,6 %.

Des causes multiples

L’inflation donnait déjà des signes de suractivité l’été dernier avec un taux de 4,1 % enregistré au mois d’aout.

Le prix de l’essence — de loin l’élément qui pousse le plus l’inflation à la hausse — a connu une augmentation de 31,7 % en un an. Seulement en janvier, ce prix a fait un bon de 4,8 % par rapport au mois précédent.

Parmi les denrées et services qui ont connu de fortes hausses de prix, il y a :

  • le bœuf : 13 %
  • le transport : 8,3 %
  • les fruits frais : 8,2 %
  • le poisson : 7,9 %
  • l’alimentation : 6,5 %
  • le logement : 6,2 %

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L’économiste et directeur de l’École des hautes études publiques de l’Université de Moncton, Pierre-Marcel Desjardins. Crédit: Gracieuseté.

Selon l’économiste et directeur de l’École des hautes études publiques de l’Université de Moncton, Pierre-Marcel Desjardins, quatre éléments expliquent cette inflation:

«Il s’agit de l’augmentation des prix de l’énergie — particulièrement du pétrole —, des problèmes dans les chaines d’approvisionnement, quoique ça commence à s’améliorer, de certains produits alimentaires comme il y a eu de mauvaises récoltes, ainsi que du logement.»

L’économiste souligne que cette montée inflationniste va toucher énormément les moins nantis de la société :

«L’augmentation des prix va faire en sorte que les gens avec des salaires fixes vont voir leur situation se détériorer.»

Il explique que «quand on regarde, au niveau des taux de pauvreté, on regarde trois composantes : se nourrir, se loger et se vêtir».

«Au niveau des vêtements, il y a eu très peu d’augmentation des prix, mais du côté de l’alimentation, il y a quand même une hausse solide, même si c’est pas nécessairement l’élément le plus important. Moi, c’est l’augmentation des prix du logement qui me préoccupe le plus», ajoute Pierre-Marcel Desjardins.

Les ainés particulièrement à risque

Leila Sarangi, directrice nationale de Campagne 2000. Crédit: Gracieuseté.

Leila Sarangi est en mesure de constater les effets de l’inflation sur le terrain. Elle est directrice nationale de Campagne 2000, une coalition d’environ 120 associations et partenaires voués à l’élimination de la pauvreté chez les enfants et les familles.

«Nous entendons des histoires de personnes âgées qui vivent dans leur automobile», déplore-t-elle.

La directrice explique que la situation de plusieurs ainés s’est aggravée parce que leur supplément du revenu garanti a été réduit ou même éliminé vu qu’ils avaient touché de l’aide gouvernementale pendant la pandémie.

«Depuis des mois, dit Leila Sarangi, je reçois des appels de plusieurs ainés qui ont perdu une partie ou tout leur supplément, qui me disent qu’ils ne peuvent plus se payer à manger, qu’ils ne peuvent plus s’acheter du papier de toilette, mettre de l’essence dans leur voiture ou acheter d’autres produits de base. Et c’est sans parler du loyer!»

Le gouvernement fédéral a décidé le mois dernier de rembourser environ 725 millions de dollars à quelque 200 000 personnes âgées, mais les versements n’arriveront qu’au mois d’avril.

Leila Sarangi souligne que l’inflation est dévastatrice pour d’autres segments de la population à revenu fixe, comme les gens qui bénéficient d’assistance sociale ou encore les personnes handicapées.

«Le problème va au-delà de faire le plein d’essence ou encore le transport des biens et des denrées. Tout ce que nous avons besoin dans nos vies de tous les jours, tous nos besoins de base coutent plus cher», indique-t-elle.

Elle ajoute que «pour les familles ayant des budgets au dollar près, ils en souffrent, et ce, depuis longtemps. Alors, quand l’inflation atteint 5, 6 ou 10 % sur certains biens, ils en ressentent vraiment les effets.»

À lire aussi : L’écart se creuse au Canada en matière de pauvreté infantile

«Nous ne devons pas paniquer»

De son côté, Pierre-Marcel Desjardins craint les répercussions de la guerre en Ukraine, notamment les prochaines sanctions énergétiques qui pourraient être prises contre la Russie.

Selon lui, «ce n’est pas vrai qu’on peut dire à la Russie du jour au lendemain: “On n’achète plus votre pétrole, on n’achète plus votre gaz naturel” et que ça n’aura pas d’impacts».

Pierre-Marcel Desjardins souligne aussi qu’il faut replacer les récentes hausses de l’inflation dans leur contexte.

«Les taux d’inflation ont été historiquement bas au cours des dernières années, mais si on regarde sur cinq ans au Canada, les prix n’ont augmenté que de 8,6 % pour toute cette période. Nous ne devons pas paniquer. À court terme, on risque de passer un mauvais quart d’heure à cause de ce qui se passe en Ukraine, mais il faut quand même remettre ça en perspective.»

La Banque du Canada a indiqué que l’économie canadienne a crû de 6,7 % pendant le dernier trimestre de 2001. La prochaine révision du taux directeur aura lieu le 13 avril.

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