La techno et les sages 4

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Rodrigue Hébert

Facilitateur communautaire
rodrigue.hebert@arcf.ca

Des mythes se propagent depuis que les premiers homo sapiens ont décidé de se promener à l’extérieur de leur caverne. On s’imagine que les histoires de monstres et d’animaux fantaisistes ont commencé à ce moment-là. Depuis lors, la plupart de ces légendes ont été désavouées. Dans les temps contemporains, on explique les tendances sociales de certains groupes en souscrivant à des caractéristiques particulières d’une génération quelconque. Les «enfants du numérique» («EDN») ou «digital natives» en est un de ces groupes. Et où se situent les «immigrants» dans cette histoire?

Qu’en est-il ? Est-ce possible que parce que nous sommes né.es après une date précise, nous possédons des traits nouveaux, inédits et révolutionnaires? Pouvons-nous, en toute quiétude, généraliser une cohorte de gens avec une brosse si large?

Qu’affirmons-nous avec le terme «digital native»?

Le professeur Mark Prensky est l’«inventeur» du terme «digital natives». Il l’a créé en 2001 dans un article intitulé Digital Natives, Digital Immigrants. «Les Digital Natives désignent la première génération à avoir toujours connu les nouvelles technologies», aurait dit le professeur Prensky. Différents auteurs indiquent différentes dates pour signifier le début. La plupart nomment 1995 (arrivée de Microsoft 95) comme l’année charnière.

Selon cette définition, les «EDN» sont naturellement spécialisés dans le monde informatisé. Les «immigrants» parlent avec un «accent» dans cet environnement. Par exemple, ils impriment les documents ou téléphonent à quelqu’un pour confirmer la réception d’un courriel.

Depuis la publication de l’article de M. Prensky, plusieurs chercheurs en éducation, en sociologie et en sciences de l’information étudient la notion des «enfants du numérique». On veut mieux comprendre comment le numérique influence les manières d’apprendre et de s’adapter socialement.

Selon les propagateurs, les «EDN» ont appris très tôt à utiliser les appareils de cette ère. Ceux-ci ont développé certaines caractéristiques avec leur rapport à la culture:

  • Ils sont multitâches;
  • Ils ne sont pas rattachés à une grille horaire;
  • La lecture numérique est une habitude pour eux.

Comme tout concept semblant simple, la réalité est beaucoup plus compliquée

Une étude publiée* en 2012 par Pierre Mercklé et Sylvie Octobre a suivi un groupe d’adolescents dans les années 2000. Ils se sont aperçus que les «enfants du numérique» étaient minoritaires. Les utilisations des appareils numériques dépendaient beaucoup plus sur la classe sociale des parents et du sexe de l’enfant. Les auteurs soutiennent que «pendant pratiquement toute leur adolescence, les enfants de cadres avaient eu plus de deux fois plus de chances que les enfants d’ouvriers d’utiliser quotidiennement l’ordinateur.»

La notion des «enfants du numérique» présente l’image que si vous êtes né.es après une certaine date, vous êtes «naturellement» plus habile avec les appareils technologiques. On oublie, dans cette analyse, que les «immigrants» du numérique ont créé l’environnement numérique. De plus, d’autres recherches démontrent que les «EDN» sont loin d’être homogènes. Les facteurs tels que les différences socioculturelles et les différences de genres ont un impact beaucoup plus marquant sur la littératie numérique d’un.e jeune. On peut rajouter que l’endroit où tu habites à un grand rôle également. Dans les pays en voie de développement et dans les régions appauvries de la planète, il y a un gouffre énorme.

Qu’en est-il, donc, pour les personnes plus sages (50 ans et plus)? 

Les caractéristiques listées plus haut sont utiles à comprendre l’effet du numérique sur les jeunes; d’ailleurs, les chercheurs ont remarqué que celles-ci s’appliquent pour tout utilisateur fréquent d’appareils informatiques. Les personnes ayant une affinité avec l’informatique vont s’adapter et utiliser le numérique sans problème, comme certains jeunes vont se buter devant ce genre de dispositif.

Finalement, c’est comme l’apprentissage d’une langue. Le plus jeune que tu es, c’est certainement plus facile. Mais généralement, rien n’empêche l’acquisition d’une nouvelle langue, peu importe l’âge. L’attitude, les capacités personnelles, le niveau d’intérêt ou de motivation jouent un très grand rôle dans la progression des connaissances. Avec une approche ouverte, on peut se rendre très loin, peu importe l’âge!

Ne manquez pas la suite: La techno et les sages 5

* « la stratification sociale des pratiques numériques des adolescents, » RESET—Recherches en Sciences Sociales sur Internet, vol. 1, 4 novembre 2012.

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