Franco-Rebelle: ces jeunes qui défendent leur accent

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Inès Lombardo

Journaliste de Francopresse
redaction@francopresse.ca

La jeunesse francophone en situation minoritaire résiste, encore et toujours. En témoigne la deuxième partie de la campagne de valorisation des accents lancée par la Fédération de la jeunesse canadienne-française (FJCF), intitulée «Franco-Rebelle». La FJCF tente ainsi d’effacer la honte des jeunes quant à leurs accents régionaux et les tentatives de parler «le bon» français.

Les Franco-Rebelles, ce sont deux jeunes Acadiens de Moncton — Alec Victor et Patrick Martin — et cinq jeunes autres francophones venant des quatre coins du pays.

En partenariat avec l’Association des collèges et universités de la francophonie canadienne (ACUFC) et l’Association canadienne d’éducation de langue française (ACELF), ils dévoileront aux cours des cinq prochaines semaines cinq capsules vidéos relatant leurs discussions sur les accents francophones, dans le but de lutter contre l’insécurité linguistique et l’intimidation.

L’idée Franco-Rebelle est née en décembre dernier, grâce à la contribution de Julien Robichaud, cinéaste acadien.

[Vidéo d’introduction du concept : https://www.youtube.com/watch?v=aUJIhPPVnjg]

L’un des éléments clés dans cette lutte, c’est l’école, selon la nouvelle présidente de la FJCF, Marguerite Tölgyesi :

«L’école est souvent la seule place qu’ont les jeunes pour pratiquer leur français. C’est important de former les professeurs pour apprendre que [cette langue] est aussi informelle. On n’a pas besoin de parler comme on écrit en français, on peut aussi [le parler] avec nos régionalismes, nos accents. On ne veut pas que les jeunes se sentent inconfortables parce qu’ils pensent qu’ils ne parlent pas le français “standard”».

La première partie de la campagne de valorisation des accents de la FJCF s’appelle «Le téléphone» et met en avant les diverses expressions utilisées par les francophones, selon les provinces.

La campagne a été lancée dans le cadre de la mise en œuvre de la Stratégie nationale pour la sécurité linguistique (SNLS) de la FJCF.

[Vidéo de la campagne «Le téléphone» : https://www.youtube.com/watch?v=RMDXcbU65s0]

Pas de «bon» français

Patrick Martin et son acolyte Alec Victor sont bien placés pour animer la campagne Franco-Rebelle ; ils savent ce que c’est de grandir avec des gens qui leur font remarquer qu’ils «parlent mal» ou que ce n’est pas le «français correct».

Cela a entrainé une insécurité linguistique chez les deux amis, notamment lorsqu’ils ont travaillé avec des Québécois :

«Avec eux autres parfois, on a de la misère à se comprendre. On va leur parler, puis ils vont nous répondre en anglais, car ils pensent qu’on parle anglais. Vu notre accent, ils assument qu’on est anglophones. Non, on est francophones, mais on parle le chiac», explique Alec Victor.

Cette fierté qu’ils ont à le parler n’est pas encore tout à fait assumée, indiquent-ils. «Pour cette entrevue, on dirait qu’on cache notre accent, mais faut qu’on le laisse shiner, parce que c’est ça, la couleur de la langue. C’est de la belle saturation!», plaisante Patrick Martin, en bon musicien.

«Cette insécurité-là existe vraiment dans les écoles, ajoute-t-il, plus sérieux. Là, on dial back [notre accent] de cinquante pour cent pour coller au “bon français”».

La grande surprise pour eux à travers Franco-Rebelle a été de découvrir la diversité d’accents qui existent dans les communautés francophones en situation minoritaire. «On ne pensait déjà pas qu’il y avait autant de francophones hors Québec, avec autant d’accents différents de place en place. Mais on arrive toujours à se comprendre», résume Patrick Martin.

Des expressions les ont surpris, comme «pencil», un mot utilisé en Ontario pour dire «crayon», ou encore «on y go», en Alberta, pour dire «on y va».

La fierté de faire valoir son accent

Patrick Martin souligne néanmoins qu’«il y a des endroits où les jeunes ne sont pas aussi chanceux que nous. À Moncton, si je veux commander une pizza, j’ai l’option de le faire en français. Mais en parlant avec ces jeunes, on a vu que beaucoup d’entre eux n’ont pas [cette] chance».

«Tu vois un peu leur français disparaitre. Ces jeunes vont-ils perdre leur langue et, parfois, ça vaut-tu même la peine de parler français, quand tu es entouré de gens qui parlent l’anglais?» s’interroge-t-il.

Les deux coanimateurs citent l’exemple de Pierre, un Français ayant déménagé à Vancouver, en Colombie-Britannique, qui «avait de la misère à parler français, avec son accent à lui, tant la communauté francophone est réduite».

Ils évoquent aussi Chéticamp, en Nouvelle-Écosse. Michelle ne rencontre aucune difficulté à parler français, car la ville est fortement francophone. Mais dès qu’elle en sort, langue et accent sont mis de côté au profit de l’anglais.

«Une ville francophone entourée d’anglophone!» fait remarquer Patrick Martin. Des configurations différentes pour des accents différents.

«C’est là que Franco-Rebelle intervient ; [la série décrit] le francophone minoritaire qui essaie d’utiliser sa langue, qui ne surrender pas, quel que soit son accent» insiste Patrick Martin.

Au Nouveau-Brunswick, les deux Acadiens remarquent que ce combat est moins présent, car il y a plus de francophones et donc plus d’occasions de parler français. «Ces rebelles-là sont les derniers sur la ligne d’attaque», plaisante Patrick Martin.

Malgré tout, les deux Franco-Rebelles apprenaient à l’école que les francophones du Nouveau-Brunswick devaient se battre pour garder leur langue, leur accent.

«Ça nous a inspirés, les jeunes, à continuer cette tradition. On a quand même encore cette pression du gouvernement [de délaisser] le français, mais on garde cet effet des générations d’avant, qui se sont battues. Puis le fait qu’on soit Acadiens nous pousse encore plus à le faire», assure Alec Victor avec fierté.

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