Après la conseillère Joanna Killen et le conseiller Brent Harris qui furent suspendus l’automne dernier, c’était au tour de Paula Radwan de l’être en avril. À chaque fois, à l’occasion de réunions tenues à huis clos mettant en cause des manquements au code de conduite des conseillers. Dans ce domaine, la loi est-elle claire pour la sauvegarde de la démocratie?
Bien que le Saint-Jeannois ait rapporté en octobre 2023 que la suspension des conseillers Killen et Harris soit liée à leur appui à une grève des employés municipaux de Saint-Jean, lorsque jointe par le journal, Mme Killen n’a pas voulu commenter. «J’aimerais pouvoir vous aider. Malheureusement, nous sommes tenus, en vertu d’un accord conclu au sujet de notre code de conduite, de ne pas nous prononcer davantage sur la question.»
Même son de cloche du côté de Paula Radwan. «Je ne suis pas en mesure de faire des commentaires, car c’était la volonté du conseil de garder les choses privées, donc si je devais faire des commentaires, cela pourrait déclencher un autre code de conduite contre moi.» Seul Brent Harris s’est abstenu de répondre au Saint-Jeannois. Idem du côté de la mairie, qui n’a pas donné suite à trois demandes du journal.
Mais qu’en est-il de ce code de conduite? Celui-ci varie au Nouveau-Brunswick d’une municipalité à l’autre. Pour Saint-Jean, dans son code de conduite, on y mentionne les valeurs, le comportement, l’utilisation que peuvent faire les membres du conseil des biens, des ressources et des services du gouvernement local ainsi que l’usage des moyens de communication et des médias sociaux. En ce qui concerne les valeurs, l’honnêteté, le respect, la transparence et l’imputabilité, la confidentialité, le leadership et l’intérêt public ainsi que la responsabilité y sont mentionnés. En tout, le code de conduite de Saint-Jean fait 16 pages. L’utilisation de ce code de conduite pour suspendre trois conseillers en l’espace de six mois surprend-elle les conseillers fautifs? Si Joanna Killen ne se prononce pas sur la question, Mme Radwan, elle, précise qu’elle ne se souvient pas qu’il y en ait eu autant, «mais ce n’est que récemment que nous avons eu le code de conduite tel qu’il est établi.»
Le fameux huis clos
La loi sur la gouvernance locale spécifie à l’article 68(1) que des réunions à huis clos peuvent être tenues lorsqu’il s’agit de discuter, par exemple, de questions à caractère confidentiel, d’avis juridiques, de négociation de conventions collectives ou de renseignements recueillis par la police. Ce qui est loin d’être le cas avec les trois conseillers de Saint-Jean. Cependant, à l’article 68(2), le législateur stipule que «les réunions qui sont tenues à huis clos tel que le prévoit le paragraphe (1) ne peuvent mener à des décisions pendant qu’elles ont lieu, à l’exception de celles qui portent» notamment «sur des questions procédurales». Serait-ce le cas ici?
De l’avis de Me André Daigle, avocat au cabinet Droit JURIS Law à Dieppe et exerçant une pratique en droit municipal, ce qu’il comprend de la situation à Saint-Jean par rapport à ce qui se fait ailleurs au Nouveau-Brunswick, c’est que le huis clos a été utilisé à la fois pour constater la violation du code de conduite, mais aussi lors de l’enquête sur cette violation. «Dans d’autres municipalités, l’enquête et les résultats sont traités à huis clos, mais la décision de sanctionner est rapporté à la session ouverte au public», selon Me Daigle, c’est-à-dire devant les citoyens. Il ajoute que «la loi actuelle est appliquée de façon inconsistante puisqu’elle ne prescrit pas comment traiter les enquêtes, aborder les résultats et imposer les sanctions.» Il donne pour exemple le cas de deux conseillers à Moncton, Pierre Boudreau et Daniel Bourgeois. Les deux, en 2021, ont dû subir une enquête pour avoir contrevenu au code de déontologie, en ayant des propos controversés. L’un a été sanctionné lors de la session ouverte au public, l’autre pas en raison d’une élection imminente.
La loi instituant ce mois-ci la nouvelle Commission de la loi sur la gouvernance locale mettra-t-elle un peu de lumière dans ce flou artistique? Pour Paula Radwan, ce n’est que du positif: «L’organisme extérieur qui reprendra le code de conduite sera formidable.» Elle déplore à l’heure actuelle que les conseillers soient obligés d’être un «jury les uns pour les autres» et qu’ils doivent ensuite «retourner au travail le lendemain.»
Quant à Me Daigle, comme il l’écrivait récemment dans Le Bulletin des Avocats de l’Association du Barreau canadien, division du Nouveau-Brunswick, la «nouvelle Commission jouera un rôle important auprès des gouvernements locaux, les commissions de service régional et le ministre des Gouvernements locaux et de la Réforme de la gouvernance locale.» Il demeure à voir si la nouvelle commission pourra normaliser les procédures municipales vis-à-vis les bris au code de déontologie et le recours aux réunions à huis clos. Après tout, comme il le disait à l’autre bout du fil au Saint-Jeannois, «la loi n’est pas conçue pour exclure le public.»
Partagez cet article:
Connectez-vous sur les réseaux sociaux :
Recevez les derniers articles :
Plus comme ceci :
Inauguration mouvementée au nouveau front de mer
Le 22 juillet dernier, une foule enthousiaste s’est rassemblée au cœur de Saint-Jean pour l’inauguration tant attendue du nouveau front…
L’inspiration artistique des jeunes mise en valeur au centre-ville de Saint-Jean
La rue historique Prince William, au cœur de Saint-Jean, est à nouveau décorée cet été de bannières artistiques réalisées par…